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Contre l'économisme : réformer la théorie économique

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Màj : 2 avr. 2023   –   # pages : 7

Introduction

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L'analyse "politiquement correcte" de la théorie économique enseignée dans les universités (ce que nous appelons ici "l'économie classique"), et qui détermine les politiques économiques menées par les États, consiste à y voir un mélange de libéralisme et de collectivisme (keynésianisme). Cela n'est certes pas faux, mais quelles sont les parts respectives ?

L'analyse critique du cursus de théorie économique présentée ici révèle (i) une prépondérance des théories libérales, et (ii) que cette prépondérance n'est pas uniquement le résultat objectif de la méthode scientifique mais est aussi déterminée par un fort biais idéologique. Il en résulte que la neutralisation de ce biais idéologique devrait améliorer l'efficacité des théories et partant des politiques économiques.

Dynamique. À partir de la chute de l'URSS à la fin des années 1980, la part du libéralisme dans le cursus universitaire et les politiques économiques s'est considérablement accrue. En outre la théorie économique libérale s'est radicalisée (néolibéralisme).

Le présent article est le fruit de longues années d'un travail assidu. C'est qu'il n'est pas facile d'identifier les points théoriques où opère la propagande, lorsque ces points sont dissimulés dans la complexité et insérés dans des raisonnements rationnels.

À priori d'apparence rationnelle, certains piliers de la théorie classique perdent de leur pertinence, après une analyse critique. Les biais idéologiques résident moins dans le fond que dans la forme : réductionnisme (modélisation) abusif, tautologies, naturalisation de construits sociaux (les "marchés"), définitions vagues ou multiples ("équilibre", "optimalité"), confusions pernicieuses ("moyens" et "facteurs" de production), etc.

Une fois réalisé ce travail de "débusquage" il reste à exposer de façon claire chacune des manipulations. Pour ce faire le présent article identifie cinq piliers controversés de la propagande "libérale", en résume la teneur, énonce la réforme fondée sur les conjectures de l'éconophysique, et renvoie vers les articles de fond pour approfondir. Enfin l'article se conclura par un ensemble structuré de principes concrets pour une réforme de la théorie économique classique et des politiques économiques.

Pour terminer cette introduction quelques remarques sur les rapports de force et les chocs économiques.

Théorie
vs réalité
vs politique

Le lecteur constatera dans cet article les relations, parfois conflictuelles, au sein d'un triptyque d'approches : (i) la théorie économique, très influencée par les rapports de force ; (ii) la réalité des faits économiques, et la difficulté de les mesurer efficacement ; (iii) les politiques économiques, supposées fondées sur la théorie, et visant à influencer les faits économiques.

In fine tout se ramène à la meilleure façon (optimalité) de réaliser le développement économique (par la demande et/ou par l'offre) et de gérer les chocs économiques (notamment sur la demande comme sur l'offre) pouvant réduire ou amplifier le développement.

Les chocs
économiques

En pratique La gestion des chocs économiques consiste à neutraliser les chocs négatifs (tremblement de terre, sécheresse, ...) et exploiter au mieux les chocs positifs (découverte de gisements, saut technologique, ...). La réalité est cependant plus complexe : la plupart des chocs combinent des effets positifs et des effets négatifs (exemple : réchauffement climatique), qui diffèrent en proportions et intensités, ainsi que dans l'espace et le temps. Il s'agit alors de neutraliser les effets négatifs et d'exploiter les effets positifs d'un même choc.

En théorie classique un choc est implicitement négatif puisque l'équilibre, considéré comme égalité supposée entre offre et demande, et l'optimum de Pareto auquel il est supposé correspondre pour autant que les marchés soient "parfaits", sont perturbés par les chocs économiques. Mais l'équilibre est supposément rétabli automatiquement pourvu que les marchés soient parfaits. L'État ne doit donc pas gérer les chocs, mais laisser le système des supposés marchés rétablir le supposé équilibre.

Marchés
vs État

Ainsi deux thèses s'opposent : les libéraux recommandent de laisser faire la supposée auto-régulation des marché (sous condition qu'existent les institutions nécessaires, celles-ci pouvant être privées), tandis que les interventionnistes recommandent que l'État intervienne, au moins comme régulateur voire également comme producteur de biens & services. Le consensus actuel est que l'État doit intervenir pour compenser les inefficiences des marchés, mais des divergences subsistent quant à la manière de le faire : (i) quelles réglementations, et comment les appliquer ? ; (ii) l'État doit-il agir également en tant que producteur ?

Les traités de l'Union européenne, de façon subreptice, tendent à criminaliser l'action de l'État via des entreprises publiques, avec l'idée au moins implicite qu'elles "perturbent les mécanismes de marché".

Dette publique

https://konfedera.org/reforme-theorie-economique#dette-publique

Thèse classique. Il existerait un niveau optimal de la dette publique à ne pas dépasser, et sa valeur serait de 60% du PIB.

Déconstruction. À aucun moment le modèle mathématique de la dette publique ne démontre qu'il existerait un niveau optimal de la dette publique. Il ne s'agit que d'une décomposition mathématique décrivant l'évolution de la dette, dans un sens comme dans l'autre.

Approfondir : allocation-universelle.net/dette-publique#modele-dette-publique.

Thèse konfédérale. Il importe de comprendre les caractéristiques de la relation – chronologique et (re)distributive – entre politiques monétaire et budgétaire. La création monétaire devrait être réalisée à taux relativement constant (seulement fonction de l'espérance de vie), et distribuée gratuitement entre les personnes physiques. La distribution monétaire est complétée par la redistribution budgétaire pour former l'allocation universelle (modèle synthétique). La politique budgétaire de développement est opérée sur base des choix économiques opérés par les personnes physiques au moyen de la distribution monétaire. Dans ces conditions, et pour autant que le système politique soit la démocratie directe, le solde public oscillera autour de zéro. Quant au niveau de la dette il peut diverger selon une ampleur sans limites mais de façon nécessairement temporaire.

Approfondir : allocation-universelle.net/financement-synthese.

Marchés efficients

https://konfedera.org/reforme-theorie-economique#marches-efficients

Thèse classique. Pour allouer les ressources économiques entre les agents économiques de façon optimale (au sens de Pareto) les marchés seraient plus efficaces que l'État. La concurrence parfaite (et donc le principe de maximisation des profits sur lequel elle repose) serait un référentiel vers lequel il faut tendre.

Déconstruction. La définition paretienne de l'efficience n'est en réalité qu'un critère de non-redistribution des richesses. Par conséquent le critère de Pareto conduit nécessairement à la conclusion qu'une politique redistributive est toujours "sous-optimale". Mais il ne démontre absolument pas que la redistribution des richesses serait nuisible à la collectivité (y compris l'environnement). Ainsi d'une part l'efficience parétienne n'est pas souhaitable pour la majorité puisqu'elle est incompatible avec la redistribution des richesses, d'une minorité de plus riches vers une majorité de la population, et d'autre part elle nuit à l'environnement et aux individus (stress) en maximisant inutilement la production (cf. la surproduction agricole).

D'autre part, dans un système complexe (cas de l'économie) dont l'équilibre correspond à un optimum quelconque, est-il toujours vrai qu'il suffit de se rapprocher des conditions de l'optimum pour s'approcher de l'optimum ? [forum].

Approfondir : allocation-universelle.net/principes-monetaires#equilibre-general.

Thèse konfédérale. L'État devrait disposer d'entreprises publiques dans tous les secteurs stratégiques (i) pour garantir un structure industrielle de base qui ne pourra être démantelée par la délocalisation vers des pays dont les réglementations environnementales, sociales et fiscales sont moins développées ; (ii) pour entretenir un niveau minimum de savoir-faire public sans lequel l'État est dans l'impossibilité de réglementer le secteur privé (ce qui est nécessaire pour palier les insuffisances des marchés). Les entreprises publiques de chaque secteur devraient (i) être gérées sous statut de coopératives publiques ; et (ii) mise en concurrences entre elles. Les entreprises publiques qui seraient déficitaires pendant X années pour des montants dépassant une valeur Y seraient proposées à fermeture par contrat intelligent : lorsque une entreprise publique atteint les valeurs de X et Y (qui ont été déterminées par référendum) un référendum est automatiquement organisé par le contrat intelligent, qui demande à la population si elle valide la fermeture de l'entreprise.

Approfondir : democratiedirecte.net/entreprise-publique#economie-mixte.

Avantages comparatifs

https://konfedera.org/reforme-theorie-economique#avantages-comparatifs

Thèse classique . La théorie des avantages comparatifs (TAC) – énoncée par David Ricardo il y deux siècles ... – stipule que les pays ont mutuellement intérêt (i) à s'ouvrir au commerce international, et (ii) à se spécialiser dans la production de biens pour lesquels ils détiennent un "avantage comparatif", plutôt qu'à rechercher l'autarcie économique. Il s'agit donc d'une théorie de la spécialisation internationale du travail, supposée "justifier" le principe de libre échange.

Déconstruction. À supposer qu'il soit possible en théorie de déterminer les avantages comparatifs dans le cas où le nombre de pays et de biens est supérieur à deux, il reste qu'en pratique une identification erronée des avantages comparatifs peut provoquer une dégradation de la production et une augmentation des prix relativement à l'autarcie, ce qui contredit la TAC. D'autre part la TAC est en complète contradiction avec la théorie financière de répartition des risques : imaginez le cas d'un pays spécialisé dans la production d'un bien devenant brusquement obsolète suite à une innovation technologique. Enfin le libre-échange induits des effets pervers, dont la désindustrialisation régionale, l'économie de rente, ou encore l'impérialisme.

Approfondir : /libre-echange#theorie-avantages-comparatifs.

Thèse konfédérale. Le concept d'échange antidumping consiste à conditionnaliser le principe de libre-échange au respect de normes visant à neutraliser le dumping social, environnemental et fiscal, définies et mesurées par une organisation internationale confédérale.

Approfondir : /libre-echange#echange-antidumping.

Conclusion

https://konfedera.org/reforme-theorie-economique#conclusion

Sur base de l'enquête "Survey of Americans and Economists on the Economy" il ressortirait de la comparaison entre les préférences du public et celles du "public éclairé" (docteurs en économie) quatre "préjugés majeurs" du citoyen moyen sur les questions économiques : un biais anti-marché, un biais protectionniste, un biais pessimiste et un biais pro-emploi [source].

Deux thèses permettent d'expliquer ces divergences :

  • L'avis des experts est le bon, et la divergence du reste de la population (les économistes parlent de "biais") est du à son déficit informationnel en matière économique ;
  • Les experts économistes ont tort, en raison d'un manque de diversité cognitive relativement au reste de la population (effet d'émergence de l'intelligence collective) ;

    Le manque de diversité des opinions affichées par les experts économistes est renforcé par le fait que pour être reconnu en tant que scientifique il importe de publier un maximum d'articles dans des revues scientifiques de référence ; or celles-ci étant quasiment toutes anglo-saxonnes, et surtout états-uniennes, il est quasiment impossible de publier des articles qui ne vont pas dans le sens de l'idéologie "libérale".

Comme le fait justement remarquer Hélène Landemore « le fait que les docteurs en économie soient les mieux placés pour répondre à des questions sur la science économique ne fait pas d’eux les plus compétents pour répondre à des questions politiques ayant une dimension économique (même si leur point de vue a sans doute une grande valeur) » Autrement dit, les croyances des économistes, aussi compétents soient-ils, ne peuvent être mis sur le même plan que des vérités mathématiques [source].

Cela n'implique évidemment pas que les experts ont toujours tort et la majorité raison. Mais il importe de ne pas perdre de vue que les experts sont aussi des humains, et soumis à des biais propres aux experts. Un de ces biais est celui mentionné dans la note supra. Un autre est que la plupart des prix Nobel d'économie bénéficient d'une garantie d'emploi et n'ont jamais vécu de baisse drastique de leur revenu. Ils ne sont pas concernés par les propos de Bill Clinton pendant sa campagne présidentielle, prévenant le public américain qu’« ils devront changer de travail sept ou huit fois au cours de leur vie ». Pour les experts économistes les éventuels effets négatifs de la concurrence et des échanges internationaux sur l'emploi et les salaires ne sont que des statistiques, et le sacrifice d'une génération de travailleurs est plus que compensé par les gains à long terme sur les générations futures. Le vécu des perdants de la "destruction créatrice" n'est pas le leur, il n'est que statistique. Cela est d'autant plus absurde que, comme le faisait remarquer Keynes, à long terme nous sommes tous morts ...

Conclusions finales :

  1. Les experts ne sont pas une alternative à la majorité mais un composant de celle-ci. De même l'analyse spécialisée n'est pas alternative mais complémentaire à l'analyse généraliste.
  2. La démocratie directe, c-à-d le partage du pouvoir politique, est le système politique répondant le mieux au point précédent.
  3. Les pouvoirs politique et financier sont intimement liés, c-à-d qu'on ne peut pleinement exercer l'un de ces pouvoirs sans l'autre.
  4. Un moyen de partager le pouvoir financier consiste en une allocation universelle permettant de vivre (chichement) sans devoir travailler (de sorte que le travail est réalisé uniquement pour d'autres raisons que fuir la pauvreté : s'enrichir, élargir son réseau social, mettre en valeur ses talents, ...).
  5. Un système économique mixte constitue le cadre institutionnel rendant possible l'exercice des pouvoirs politique et financier partagés. Le contrôle démocratique des moyens de production de masse (les grandes entreprises) se fait ainsi via des entreprises publiques.
  6. En raison de l'intrication des sphères politique et économique, les entreprises publiques devraient être gérées sous statut de coopératives publiques.
  7. L'efficacité de l'économie mixte est assurée au moyen de quatre principes :
    • une concurrence entre entreprises privées (dont le moteur est la maximisation des profits ⇔ rentabilité financière) et publiques (dont le moteur est la maximisation de la solidarité et de la durabilité ⇔ rentabilité sociétale) ;
    • il y a un équilibre à trouver entre ces deux types de concurrence, correspondant à un optimum de Pareto, c-à-d tel qu'il n'est plus possible d'augmenter la rentabilité financière (qui est individuelle) sans diminuer la rentabilité sociétale.
    • cet équilibre optimal est déterminé par le principe d'écart de richesse optimal, c-à-d que le niveau de richesse du citoyen le plus riche est acceptable (d'un point de vue économique et politique) tant qu'il n'est pas incompatible avec le principe d'allocation universelle ;
    • la dynamique par laquelle l'équilibre est maintenu proche de l'optimum est fondée sur deux mesures de politique économique programmée :
      • les entreprises publiques ne répondant plus à une sérié de critères de rentabilité financière et sociétale déterminés par référendum automatique dans des contrats intelligents sont automatiquement soumis, par votation, à la décision de fermeture ou de maintient en activité ;
      • la création monétaire est opérée à taux relativement constant (seulement fonction de l'espérance de vie v et valant environ 4/v : cf allocation-universelle.net/financement-distributif#resume ) et distribuée gratuitement entre les personnes physiques (c'est l'AU distributive, qui constitue environ 16 % de l'AU).
  8. Enfin la coordination économique et politique internationale se fait via des entreprises publiques multinationales, dans le cadre d'une Confédération d'États (entreprises confédérales).
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Auteur : F. Jortay   |   Contact :   |   Suivre : infolettre-K

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